Moi, Sac à Dos par Michel TURK

Des nouvelles de Lorraine

Moi, Sac à Dos par Michel TURK

11 octobre 2025 Associé 0

Je passe à un tout autre sujet, sinon vous me direz que ce que je vous propose n’est autre qu’un succédané de guide ornithologique. Et je comprendrais aisément que vous vous en lassiez. Seulement, pas facile de changer de thème, un ami de mon maître, guide de haute montagne, professeur à l’école nationale de ski et d’alpinisme, décédé sous une avalanche au Népal, un type épatant, Daniel Stolzenberg pour ne pas le nommer, lançait à la cantonade que certains sujets sont tabous quand on est en groupe. Il énumérait notamment l’argent, la politique et la religion, ces sujets-là étant vraiment à proscrire. Alors allons-y mollo. Et puis, parlant de Daniel avec son humour grinçant et sa guitare douze cordes, abordons brièvement un sujet qui n’est pas trop polémique, celui de la montagne. Quand je dis « pas trop », c’est rapport aux sujets interdits évoqués plus haut. Car, il te suffit de toucher à la question de la responsabilité des guides en cas d’accident que tu assistes à une levée de boucliers. Ou encore que tu oses donner un avis tranché sur le purisme des alpinistes et que tu mets en parallèle les immondices qu’ils déposent au col Sud de l’Everest et tu déclenches un tollé pas possible. Moi, mon expérience dont je vous ai déjà longuement entretenu quand mon maître condescendant avait accepté d’entendre mes réflexions est celle d’un modeste sac à dos. Mon humilité naturelle, pas vraiment le choix, résume mes exploits à ceux accomplis par celui qui me portait sur son dos. Et avec le recul, il n’y avait vraiment pas de quoi pavoiser ! Et pourtant, grimper avec les grosses (les chaussures, pas les nanas), gratonner qui signifie poser le bout de sa chaussure sur un graton, s’assurer sur des coins de bois parfois pourris, c’était autre chose que le hightech, en franglish, et l’adhésion que procure la gomme des chaussons d’aujourd’hui qui fait des varappeurs de véritables geckos.

Parlons d’amour. Sujet délicat quand dans ce monde à ce que j’ai compris il y a surtout du désamour entre les hommes. Mais bon, l’amour c’est parait-il un sentiment, donc quelque chose qu’on éprouve et qui ne se voit pas forcément. Moi, l’amour des humanoïdes, ce que j’en connais, je le comparerais assez à celui des autres espèces animales et végétales, c’est un ensemble d’éléments qui poussent à la reproduction. Nous autres produits transformés, c’est différent, notre reproduction est plutôt dépendante des lois du marché. Ce que j’ai retenu de l’amour de mes maîtres, sous la tente, quand j’étais témoin auditif de leurs ébats, ce sont des gloussements, des petits rires que j’ai appelés tendresse ou complicité et qui pour des raisons qui m’échappent finissaient plutôt agités me rappelant quelques mouvements telluriques garantis 4.7 sur l’échelle de Richter. Ça, c’était du temps des bivouacs, du camping sauvage, quand j’étais aux premières loges, c’est bien comme ça que vous dites quand vous allez au théâtre ou à l’opéra, n’est-ce pas ? Maintenant, ils vont à l’hôtel et moi, je reste confiné dans le coffre de la bagnole. Faut croire que le jeune président de la République n’a pas tout à fait tort quand il dit que les retraités sont trop riches. Je retire immédiatement ce que je viens de dire. Et là je fais un clin d’œil à Edmond Rostand. Ah, non, c’est un peu court jeune homme ! Si vous aviez un peu d’humour vous eussiez ratissé plus large et trouvé dans vos propres avantages les arguments pour traiter cette question sensible en proposant à vos concitoyens de travailler jusqu’à l’âge de 49 ans, date à laquelle vous serez vous-même grassement pensionné. Et mon maître qui a vu des hommes et des femmes usés par le travail, ça le fout en pétard, comme dit Boby Lapointe dans une courte chanson qu’il a intitulé « Revanche » :

Le Lundi je mendie

Le mardi je mendie

Et l’mercredi, et le jeudi

Le vendredi, le samedi

Mais quand qu’c’est qu’c’est dimanche

J’paye un croissant au chien

Le chien lui il s’en fout…

Ça ou du pain…

Mais le bourgeois qui passe

Sur le trottoir d’en face

Ça le fout en pétard

C’est rigolard

Et j’en jouis

Toute la nuit

Jusqu’au lundi !

Annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *